Skol ar Mor
écriture documentaire
Un certain Valère, ancien étudiant aux Beaux Arts, après un passage rapide il est vrai, s’est reconverti en apprenti charpentier de marine : il nous entraîne vers un endroit presque secret, en tous cas difficile à trouver. Installée dans une ancienne étable de la ferme du Bois-Joalland, Skol ar Mor est une association qui valorise et transmet tous les savoir-faire traditionnels maritimes et en particulier le métier de charpentier de marine.
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Dans les ateliers à la fois vastes et occupés on découvre des visages concentrés sur le travail du bois, on constate des entraides spontanées entre jeunes ou moins jeunes au passé le plus souvent cabossé.
Emmener en mer les jeunes délinquants et toxicomanes pour leur permettre un nouveau départ dans la vie : tel a été le pari un peu fou du père Jaouen à partir des années 1970 et jusqu’à sa mort en 2016. Une épopée humaniste qui perdure encore aujourd’hui du côté de Landéda, sur la côte du Finistère nord, grâce à l’association qu’il a créée et qui lui a survécu. Le même esprit de non jugement, de fraternité et d’humanisme est bénéfique ici à tous les participants de ce chantier école. Selon un principe de libre adhésion pour tout un chacun, les formateurs ne se distinguent guère physiquement au milieu des apprentis et cependant réussissent à les guider vers le haut voire, mine de rien, vers un haut niveau de compétences qui leur permettra de repartir d’un bon pied. Le « Princess Augusta » navire fantôme planerait au dessus de l’ancienne grange devenue hangar fourmillant de bruits de marteau ou de scie, les bordées récupérées s’emboîtent habilement sous le conseil des aînés, chacun vaque à ses occupations.
Nous faisons la connaissance de notre anti héros Valère qui vient d’Alsace, épris de liberté il souhaite réaliser un voilier en bois sans produit chimique pour ensuite faire le tour du monde. En attendant il travaille, rencontre ou croise dans la journée chacun des personnages qui composent son entourage de personnages et de futurs matelots. Une entrée en matière qui sera sans doute un peu longue mais qu’il aborde avec confiance.
Paul, Émile, Julien, Benoit et Philippe autour de Valère partagent un rêve commun, une réelle fraternité préside à tous ces travaux précis et nécessaires, la différence avec d’autres chantiers est qu’ici il n’y a pas de réelle pression : pour tous les participants les rêves de navigation sont beaucoup plus importants que la rentabilité immédiate.
Malgré les privations variées et les vies cabossées ou grâce à elles, une ambiance apaisée préside aux échanges concentrés sur le travail patient et méthodique comme le ferait un pécheur au bord de l’eau. Cette expérience de vie illustre à sa façon les paroles de Jean Giono : « c’est ce que vous donnez qui vous fait riche. » […] Tout ce que vous entassez hors de votre cœur est perdu. »
Jean-Louis Vincendeau