Le film sans fin
La pierre percée
Sara Bomans
l’AATP (Agence Artistique de Traduction Poétique) : Edith Doove / Bureau Doove , Ollivier Moreels et Jean-Louis Vincendeau
Parce que la vie n’est pas un continuum. Mais une succession de moments, de conscience, de scintillements, d’éclairs, un film sur la table sans faire d’histoires ; cependant il emmène le spectateur complice sur des chemins sinueux, freine, repart, réintègre la route principale et bifurque à nouveau. Ici les espaces sont vécus spontanément et la réflexion sur ces espaces s’installe dans la fiction et/par « notre » poétique filmique.
« Les contes sont des organismes vivants qui vivent leur vie à travers nous. L’individu est sans pouvoir sur eux. » Philippe Annocque
Un certain Luigi Massetta, sculpteur et navigateur parti de Portisco sur son voilier de fortune au dix-huitième siècle débarqua sur ce rocher qui lui plut immédiatement ; son « bello desiderio », selon son beau désir, après de nombreuses escales il décida que c’était ici qu’il s’installerait ; les premiers jours il continua de vivre dans sa cabine ; nus pieds il sorti ses massettes, poinçons et gradines et commença de sculpter une grotte au beau milieu de la roche.
Dans la patience des rochers pourquoi ici, cet arrachement, pourquoi à ce moment du parcours ; cohabitation avec les oiseaux, obligation de l’énigme ? Manier la massette c’était pour lui vraiment manier la massette, selon un dicton peu connu on ne construit pas sa maison avec des miettes de pain !
La première grotte était tournée vers le large, elle lui plaisait bien car il le matin à son réveil la vue était magnifique. Cependant l’hiver le vent s’engouffrait avec des rafales d’embruns ; il se décida de changer de côté, il repris ses burins et tailla une nouvelle grotte de l’autre côté avec cette fois une vue sur la côte qui n’était pas ou très peu habitée à l’époque.
Habile pêcheur, il variait ses menus en se rendant parfois à terre se ravitailler en eau potable, cueillir des plantes sauvages et chasser des lapins et autre menu gibier. Il créait son inconnu chaque journée inventée sans programme. Repéré par quelques terriens, il passait pour sauvage et ne cherchait pas spécialement le contact.
Il prolongea sa deuxième grotte jusqu’à rejoindre la première, il conserva une paroi pour se protéger des embruns et conserva une ouverture qui lui permit de contempler le coucher de soleil. Pierre percée vers la lumière parfois même il pu voir le fameux rayon vert reçu comme une grâce.
Bien plus tard un jeune chercheur du Currer Bell College, nommé Chris Brody-Lancy écrira un bel ouvrage : « Luigi Massetta, soul-body interaction », jusqu’alors resté confidentiel.
Cependant Luigi Massetta vécu là, longtemps, paisiblement, dans l’évidence de son beau désir, et, lorsqu’il disparut un jour qu’il ne vit pas venir, la nature reprit ses droits ; maintenant on connaît la suite.