Le film sans fin

La jetée

L’ océan serait ma chair

Sigurlaug Didda Jónsdóttir - Paul Leo Figerou : performance
Sigurlaug Didda Jónsdóttir : poems
Arturo Gervasoni : music

Edith Doove - Ollivier Moreels - Jean-Louis Vincendeau : translation AATP
Collaboration et traduction : Edith Doove / Bureau Doove - creative consultancy - Laufey Helgadottir
Les poésies filmées montrées ici, font parties d’un ensemble de quatres, visibles dans l’article 79 du film sans fin - Avec le soutien de Cales Obscures, remerciements Jean-Jacques Rue et Sandrine Floch

 


Sur la jetée menaçante et glacée

Le voile capricieux se déploie immédiatement avec le vent, bien au-delà de ce qu’on pouvait attendre, signature de la bise elle-même furieusement décoiffée ; une danse insolite s’engage alors sur un sol glissant de pierres patinées, lessivées. Soit une danse risquée, marquée par les bourrasques et les vagues rugissantes ; un corps à corps avec les éléments qui ne présage pas de qui s’en sortira.

Tel un personnage peint par Caspar David Friedrich, intrépide personnage approchant le sublime devant la nature déchainée ; dans sa prestation improvisée incarne ce désir de surpassement, ce mouvement de l’âme qui fait « qu’on y va » même si l’on est pas sûr à l’avance de la destination.


Par son accoutrement et ses mouvements, il réalise une sculpture vivante aux moments forts de sa présence aux extrêmes. La lutte contre les éléments est aussi une danse, un déséquilibre sans cesse repris, un désarroi de l’être entier, la hardiesse d’être vraiment présent dans l’absolu immédiat, avec et dans cette force de propulsion vers la lumière et pour la vie.

Le cadreur subit également les intempéries, il participe à la danse, à la lutte dans les mêmes conditions ; il suit et précède les mouvements, les variations, la confusion qu’il capte, déplie, déploie ses images en rigueur et limpidité.

On a rencontré cet esprit incarné une première fois, avec ce même voile, dans des prairies inondées jusqu’à l’horizon par un crépuscule d’apocalypse ; sa dérive de pure essence solitaire l’a ainsi conduit jusqu’à l’Océan et jusqu’à cette jetée menaçante et glacée.

Un moment la silhouette disparaît, corps noir dans l’eau noire, et, juste après, une langue d’écume blanche vient lentement mourir sur la grève.

Jean-Louis Vincendeau