Le film sans fin

Les carpes colorées

Mlle Xing devant l’étang aux carpes colorées
Des tableaux de vie et de lumière

 


 


 

 

Lors d’un voyage improbable en Pologne, bien loin de son pays natal, elle découvre ce livre, « Atala » patiné par les ans. Sa lecture, solitaire, « nous cherchions un abri sous les mousses des cèdres », d’une obscurité majestueuse, lui laisse un sentiment de mélancolie.

Venir à soi ou revenir après un détour par la mélancolie, dans l’absolu du présent, la belle flânerie que voilà, soulagée, sur la terre ferme.

Maintenant les oiseaux se déchaînent sur fond de feuillages froissés en une trame ininterrompue ; Mlle Xing se tient au bord de l’étang aux carpes colorées, dans l’évanescente étoile de son nom.

Le temps des carpes et le temps différent de l’étang, insaisissable et immobile, se superposent fidèlement à ce présent qui le contemple.

L’homme au miroir se déplace, lui, entre sa vieille caravane, dite « de la voyante », cachée au fond de la forêt et le pavillon de bois du trappeur amoureux, perdu. Oui, la vie part de loin, de l’énergie des carpes.

Tout comme dans les fééries antiques le rideau tombe, puis il se relève sur une autre scène. Ici donc le drap du trappeur Tarkovski vole au vent et dévoile bientôt l’homme au miroir assis au milieu du chemin se remémorant ou se fabriquant les souvenirs d’un ancien caméscope. Le matériau de la vie se glisse ainsi dans les corps.

Sur l’autre rive s’endort le bois sombre d’Atala au visage de nymphéas. Et « mille soupirs sortaient des corridors et des voûtes du mobile édifice ».

Les carpes, fières de leurs symboles positifs sautent à présent et allègrement du calendrier à l’étang et de l’étang au calendrier.

L’homme au miroir finit par rencontrer Mlle Xing, poétesse de l’étang aux carpes colorés, qui l’invite à jouer avec elle au jeu de dame chinois, sur un bien étroit rivage.

微雨 樹欉間傳來波蘭的心悸
他們沉靜 像著作已富的哲人
雲影暗了湖這頭 那頭的房子亮的很
多彩的鯉魚在綠鏡中游

我們交換棋子 如同交換沙子
總有指縫裡溜走的 風帶走的 和黏在手心的
你應該是一場夢
我應該是一陣風

星星打扮好了都在下山
月亮猶猶疑疑卻不孤獨

素履之往 獨行願也

Jingyi HU

Autour de cet étang une aura persiste qui en fait un lieu unique réservé pour cette fois à nos deux héros dans la fugacité de leur compagnie.

Ce jeu devient pour eux la source de transformations aimables avant l’obscurité, il dérobe à la solitude son innocence et sa discrétion ; les deux complices sont ainsi absorbés dans leur vérité intime.

Tu devrais être un rêve Je devrais être un coup de vent

Jean-Louis Vincendeau