KES = "obj." Un atelier sur les objets

Film en milieu scolaire

KES = "obj."
Un atelier sur les objets

Résidence atelier au collège Talence de Nantes avec Sandrine Graux Reitter et ses élèves. Février 2016, dans le cadre de "Plasticien au collège"

Lundi est un bon jour pour commencer la semaine. Les élèves semblent assez à l’écoute aujourd’hui. je sais que les mettre devant un ordinateur Windows, sera pour nous un moment de répit, nous pourrons faire le point, réajuster le tire si besoin, trier, organiser l’ensemble de leurs productions.

Leurs visages baignent dans une lumière résiduelle bleu, ils sont comme des papillons de nuit fascinés par l’écran qui luit. Ils construisent lentement. Ils ont du mal à percevoir l’objet dans la pénombre pour le reproduire. Cet objet qui est devenu au fil de nos rencontres, plus familier pour eux. Ils les ont d’abord dessiné, peint, défini, nommé, enregistré...puis, reproduit en miniature avec de la terre, photographié, mise en scène dans des situations improbables. Ils ont en quelque sorte interprété les différentes formes historiques de la création artistique. Aujourd’hui ils doivent l’habiter, ils doivent construire à l’aide d’un logiciel Google, sa version géante, sa forme habitable.

Avec l’enseignante nous communiquons beaucoup par texto, c’est pratique, nous sommes synthétiques, efficaces, nous allons à l’essentiel. J’ai un Sony Xpéria qui date un peu déjà. Devant les élèves, je prends le temps, je leur montre des images d’expositions, des vidéos, des livres, d’autres artistes que j’aime et dont le travail nourrit la réflexion et l’atelier. C’est important pour moi, de leur montrer qu’il existe d’autre rythme, leur dire que la production, n’est qu’une étape, qu’on ne perd pas de temps en se cultivant. J’ai remarqué au fur et à mesure des années, dans les ateliers, un besoin de plus en plus pressant de pratique, faire, produire puis stocker ce que l’on fait.

Ainsi, d’abord il y avait l’objet, un objet non reconnaissable par les jeunes de la classe, un objet manufacturé parmi tant d’autres. Des objets trouvés dans des ateliers d’artistes, chinés dans des brocantes, retrouvés dans des cartons , des choses, des machins, des trucs, ustensiles ou bien outils, appareils, bibelots et colifichets. Ensuite il y avait une question, à quoi ça sert ? Puisque de toute façon un objet doit être utile, il doit servir son propriétaire, temporairement ou de manière plus définitive, son utilisateur devient son consommateur.

Les sociologues nous parleraient d’obsolescence programmée, cette stratégie marketing, visant à réduire la durée de vie d’un produit pour augmenter son taux de remplacement et provoquer un nouvel achat prématurément. En 1950 un designer américain, Brooks Stevens disait déjà, qu’il suffisait d’inculquer à l’acheteur le désir de posséder quelque chose d’un peu plus récent, d’un peu meilleur et d’un peu plus tôt que ce qui est nécessaire, pour rendre dépendant le consommateur. Soixante ans plus tard , Apple la société créé par Steve Jobs engrange soixante milliard de dollars de bénéfices, mais si les I-phone, pad, pod se vendent si bien, c’est avant tout en réduisant les coûts de production, en utilisant les profits pour spéculer sur les marchés financiers, en plaçant l’argent dans les paradis fiscaux en portant atteintes aux droits des travailleurs, et donc des consommateurs.

A la fin de la matinée, quand nous avons fait le point et refait le monde, nous allons ensemble à la cantine du collège. A l’entrée de la salle, à manger collective, est disposé à hauteur du regard des enfants, une machine étrange qui distribue les plateaux repas. Le personnel de l’établissement dépose sa main sur un support en forme de main. Par la reconnaissance de vos empreintes digitales, la machine vous identifie, et libère un plateau, vous pouvez ainsi manger au self.